Le travers des choses
on ne voit plus les choses
à les regarder chaque jour
on ne voit plus les choses qu'à travers
on ne voit plus les choses que de travers
à travers leurs plis
on ne voit même plus les replis
on se replie des choses qu'on ne voit même plus
on finit par ne plus vouloir les choses
on ne veut même plus les choses
on ne veut même plus les choses qu'à travers
on ne veut plus que les choses de travers
et les choses nous regardent chaque jour
et les choses se plient de regarder nos travers
Des couteaux tirés #2
Nous avons-nous des lames à l’œil une façon d'écrire comme un pas de côté une façon de vivre comme un peu de côté un peu du bas du côté une façon de mal-façon sans toutes les manières une contre-façon quotidienne le façonnement fasciné du ciselé du morcellement arraché remâché chaque matin une mort aux dents à se recomposer cahin par côté une contre-façon du matin
Rien ne s'y faire
un échafaud d'âges
l'horizon tréteaux
pour le regard et
les cieux brocanteurs
à brader du temps
un peu plus loin
rien ne se perd
rien ne s'y faire
Le meuble
Je n'ai jamais su faire je n'ai jamais trop compris comment il fallait faire je n'ai jamais su trop faire déjà auparavant lorsque je me suis aperçu cette faculté chez les autres j'étais fasciné c'est là que je me suis rendu compte que je ne savais trop faire c'était tôt mais c'était trop tard et ça a duré toujours même à présent je ne sais trop faire comment meubler alors je meuble je ramasse ces meubles dont on ne veut plus je ne les fais pas de toute pièce je ne sais pas trop faire je les reprends avec ces parts de moi dont on ne veut pas puis patiemment je remplis de formes d'espaces vides j'apprends leurs fibres je détaille leurs creux je gratte une langue des mains d'où le meuble s'échappe je rajoute des poussières et des copeaux de bois entre le monde et moi. Peut être un jour ce sera suffisamment épais. Peut être un jour j'y mettrai le feu.
Les yeux dans les yeux
elle dit qu'elle ne peint plus les yeux
c'est les gens les gens qui regardent
qui mettent leurs yeux dans l'absence
peinte de leurs regards les gens re-
gardent pour eux les gens
ce qu'il y a à dans ce qu'il n'y a pas
Il y aurait des vertèbres dans les yeux
Je regarde longtemps le mouvement contracté de l'eau l'un d'entre eux ou les deux longtemps sa rétraction et sa tractation ensemble son halage du mur fermement son attirance à épuiser dans son ensemble son halage des heures hâlées sur qu'est-il de plus fragile une à une les miettes du jour tirant la matière tirant les miettes le mur qui avance par pièce le mur qui recule chaque sillon chaque instant se rationne chaque étai l'appui sur soi et l'adossement les mouvements pièces et heures les sillons leur suspension comme une ponctuation un ossement infinis ensemble l'un d'entre eux et l'ensemble je regarde longtemps le tableau mais quant à voir le dessin il suffit parfois d'éprouver les vertèbres du regard
Cédric Bernard vit dans le Pas de Calais, trop loin de la mer. Après une maîtrise de Lettres Modernes, il partage son temps entre l'enseignement spécialisé, ses enfants et la dérive du blog LES MOTS DES MARÉES. Il publie dans les revues comme MGV2>Datura, FPDV, Les Tas de mots, Traction-Brabant, Vents Alizés, Paysages Écrits, Ce qui Reste, Revue Métèque, etc.
Ses recueils, de 2013 à 2015 : "C'est le matin que l'on grandit", "Le cas Leleu", "A propos de celui qui réussit à rater correctement", "La Bascule des Chevaux" (chez mgv2>publishing) et enfin, "Boule à facettes" (Éditions Derrière la Salle de Bains).