vieille menue
cramponnée aux gestes qui lui restent
si digne si fragile aussi
tout devenu lourd
si hautes les marches
si dure la clenche de la porte
son regard erre dans le carré de légumes
du bout de la canne elle écarte
le cadavre d’une limace
percée d’une baguette féroce
*
la nuit des arbres leur obscure patience
est-il rien qui puisse les dire
comme ils étendent leur caresse jalouse
comme ils se dénudent
mains griffues cramponnées à leur ombre à leur soif
emportés au partage de la lumière
prisonniers pourtant
étrangers que le vent chiffonne
aveugles qui parfois trébuchent
et guette la mort tendre
compagne au pli de l’écorce
*
du poète ne disons rien
humanité à toute autre semblable
paroles pauvres
n’était le chant
qui à les entendre
en nous s’élève
*
il est assis sur le banc
à côté de la porte on ne sait
s’il regarde ou si le paysage
est seulement là obscur devant
ses yeux gris si pâles si doux
si vides
il est posé sur le seuil
et ses pas ne le conduiront plus
ni au champ semé ni au verger
il est offert à la poussière et au vent
il ignore le soleil
il retient son souffle à entendre
mourir en lui des voix qui s’éloignent
*
ce lien que nous étions
le vent l’emporte
nous aurons été un regard
clôturant la lumière
un souffle trop court
îlot de vie dérisoire
instant donné pourtant
nous aurons aveugles lu notre chemin
et dans la prison de nos corps
reçu le livre de tous les destins